Le souffle de la banquise

Difficile de dire ce que ça fait, le blanc absolu.

Difficile de mettre des mots sur le froid qui vous mord comme une bête sauvage, la banquise qui crisse avec des sons de parquet ou le traîneau qui file au long d’interminables heures — est-ce une minute, depuis le départ, est-ce un siècle ? On ne sait plus…

Il y a quelque chose de primitif, dans le Grand Nord. Un souffle, un essentiel. Quelque chose qui vous dépasse, de très très loin.

Ici, la nature est première, et ce jusque sur vos doigts : en une minute, si vous n’y prenez pas garde, ils pourraient geler, d’un coup. Alors, sans
vous en rendre compte, vous redevenez ce que vous n’avez jamais cessé d’être : un animal — juste un peu plus inadapté que les autres.

N’être rien face à un grand tout est une sensation étrange. C’est à la fois très imposant et très… apaisant, aussi bizarre que ça puisse paraître. Enfin, on n’a plus à se porter soi-même : après tout, on est si peu de chose, un si faible poids… pourquoi s’en faire ?

Face à la mer gelée, face aux icebergs qui semblent comme des bouts de friandise vus de loin, mais qu’il faut des heures pour atteindre, et d’interminables minutes pour contourner, face aux montagnes immenses, comme venues d’une autre galaxie, on a l’impression étrange de remonter le temps, de revenir à des heures préhistoriques.

Bien sûr, là-haut,il y a les ours blancs, les rennes, les phoques et les morses. Mais quand on arrive au Nord, ou plutôt « au-delà du Nord », comme disent les Inughuits du Groenland, ce ne sont pas les animaux qui impriment la rétine. Non, ce sont les paysages infinis, tout ce qui dépasse notre entendement de « civilisés », ce territoire aux échelles absurdes et magiques qui, si l’on ne fait rien, disparaîtra très vite sans possibilité de retour.

Forcément, les mots vous manquent. C’est si difficile à dire, ce que ça fait, le blanc absolu, la préhistoire à portée de la main.

Alors j’ai fait des photos. Pour qu’elles vous emportent tout au bout. Au bout du monde et au bout de vous. Quelque part au-delà du Nord…